Emmanuel Macron a-t-il peur de se rendre au Maroc ?

Par Ali Ch. Publié le 26/03/2024 à 13:00
Montage photo : Mohammed 6 - Emmanuel Macron
  • Les relations entre la France et le Maroc sont marquées ces dernières années par une crise à tous les niveaux.
  • Malgré les signes de réchauffement constatés récemment, rien n'indique que les choses sont revenues à la normale.
  • C'est dans ce contexte de crispation que la visite d'Emmanuel Maroc au Maroc revient à chaque fois dans l'agenda politique des deux pays.

La visite tant attendue du président Emmanuel Macron au Maroc n'a toujours pas eu lieu. Le locataire de l'Élysée entame sa deuxième année du deuxième quinquennat sans avoir posé le pied sur le sol marocain pour une visite officielle. Pourtant, il avait amorcé son premier mandat en 2017 par une visite dans ce pays.

Les relations entre le Maroc et la France, ancienne puissance coloniale abritant une importante diaspora marocaine, sont tendues. Cette tension s'est accrue depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée. Pourtant, rien ne laissait présager une telle situation lorsque Macron, au début de son premier mandat, avait manifesté une politique d'« amitié »  envers le Maroc.

En juin 2017, juste après le début de son premier mandat, Macron avait effectué une visite au Maroc. Cette visite de deux jours, les 13 et 14 juin 2017, avait été sa première sortie en dehors de l'Europe, conformément à ses promesses de campagne électorale. Il s'agit d'« une visite personnelle à l'invitation du roi pour une première prise de contact », soulignait-on à Paris.

Que reproche le Maroc à la France ?

Mais depuis cette visite à Rabat, les relations entre les deux pays se sont détériorées. Rabat reproche à Paris de se rapprocher de l'Algérie, qui a rompu ses relations diplomatiques avec son voisin de l'Ouest en 2021, accusé d'« actes hostiles ». Le Maroc reproche également à la France de ne pas reconnaître officiellement la « marocanité » du Sahara occidental, un territoire non autonome selon l'ONU, mais contrôlé à près de 80 % par le Maroc.

La question du Sahara occidental revient invariablement dans le dossier franco-marocain. Le Maroc, comme le souligne à chaque fois le roi Mohamed VI, considère ses relations avec d'autres États à travers le prisme de cette affaire. Depuis la reconnaissance par les États-Unis et Israël du plan marocain d'autonomie du Sahara occidental, le Maroc exprime ouvertement son souhait de voir d'autres puissances, dont la France, suivre la même voie.

Rabat ne jure que par la « marocanité » du Sahara occidental

Le changement de position de l'Espagne, ancienne puissance coloniale du Sahara, qui a reconnu le plan marocain pour ce territoire, a également influencé Rabat, qui souhaite voir son projet de « marocanité » du Sahara adopté par tous ses partenaires. Cependant, la France, qui faisait partie des premiers pays à soutenir le plan marocain de 2007 sur le Sahara occidental, n'a jamais officiellement exprimé son soutien à la marocanité de ce territoire, également revendiqué par le Polisario. Néanmoins, rien n'indique que Paris ne changera pas de position sur la question sahraouie pour rejoindre celle de Washington et de Madrid.

Le signe de ce changement émerge de la récente déclaration du ministre français des Affaires étrangères. En visite à Rabat le 25 février dernier, Stéphane Séjourné a été interrogé par un journaliste de l'AFP sur l'évolution de la position française concernant le Sahara occidental. « La question du Sahara est existentielle pour le Maroc et les Marocains, et la France le sait. Cela guide d'ailleurs notre position sur le sujet », a affirmé le chef de la diplomatie française. Il a ajouté que « la France veut une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité » de l'ONU.

Et si Emmanuel Macron accédait à la demande du Maroc ?

Cette deuxième partie de la réponse du ministre français a laissé les autorités marocaines sur leur faim. Rabat souhaitait en effet que Paris s'aligne ouvertement sur la position des autres pays ayant soutenu la « marocanité » du Sahara. Cependant, la France, qui a toujours favorisé l'équidistance entre l'Algérie et le Maroc dans sa politique étrangère, continuera probablement à « jouer sur les mots » avec le Maroc afin de ne pas froisser l'Algérie, son autre partenaire régional de taille.

La France, qui entretient des relations encore plus complexes avec l'Algérie en raison de considérations historiques, est pleinement consciente des conséquences d'un alignement sur la thèse de la marocanité du Sahara. Les observateurs estiment que l'épisode de la crise entre Alger et Madrid, suite au changement de position du gouvernement espagnol sur la question du Sahara, devrait inciter le président français à la réflexion.

Journaliste francophone. Je couvre l’actualité au quotidien sur une multitude de sujets. Je m’attelle à rapporter l’information avec objectivité.